Forces de soutien rapide au Soudan : une analyse juridique entre légitimité constitutionnelle et controverses politiques

Par: Correspondance particulière - La Rédaction Charilogone

Cette analyse vise à clarifier le statut juridique des Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan, souvent qualifiées à tort de milices ou de forces rebelles. Il s’appuie sur des textes législatifs et constitutionnels, et a été révisé par des spécialistes du droit pénal et constitutionnel. L’objectif n’est pas de disculper les FSR des violations ou crimes éventuels, mais de rétablir la vérité juridique : ces forces ont été créées par l’État soudanais et fonctionnent sous l’égide de lois et décrets en vigueur.

Les FSR ont été établies par la loi de 2017, adoptée par le Conseil national soudanais conformément à la Constitution intérimaire de 2005. Publiée au journal officiel, cette loi leur confère une légitimité légale incontestable. Elles ne sont donc pas issues d’un décret administratif, mais d’un acte législatif émanant de la plus haute autorité du pays. Le texte les définit comme une « force régulière constituée selon cette loi, opérant sous le commandement du chef des forces armées ».

Leur intégration dans l’appareil sécuritaire de l’État est renforcée par leur soumission au Code militaire soudanais en matière de grades, discipline et sanctions. Elles jouissent des mêmes droits et devoirs que les autres corps militaires, ce qui réfute toute idée qu’elles seraient des forces tribales ou volontaires. L’article 7, paragraphe b, leur confère la mission de « défendre le pays contre les menaces internes et externes », soulignant leur rôle constitutionnel dans la protection de l’État et de ses citoyens.

En juillet 2019, le général Abdel Fattah al-Burhan, alors président du Conseil militaire de transition, a promulgué le décret constitutionnel n°34, abrogeant l’article 5 de la loi de 2017 qui plaçait les FSR sous l’autorité des forces armées. Ce décret leur a octroyé un statut juridique indépendant tout en maintenant leur caractère de force régulière de l’État. Rédigé dans un langage constitutionnel et émanant du chef de l’État, ce décret est juridiquement contraignant et confirme que l’indépendance des FSR n’est pas une rébellion, mais une décision institutionnelle.

Les conséquences juridiques de ce décret sont claires :

Les FSR deviennent une entité autonome, opérant sous la supervision de l’État mais en dehors de la hiérarchie militaire classique.

Elles ne peuvent être qualifiées de milices, car elles sont créées par la loi, financées par le budget de l’État et dirigées par un commandant nommé officiellement.

Elles ne peuvent être considérées comme rebelles, puisque leur détachement de l’armée a été acté par décret constitutionnel.

Leur mission comprend la défense nationale, la lutte contre le terrorisme et les trafics illicites, ainsi que le soutien aux forces régulières en cas d’urgence. Ces fonctions relèvent d’un appareil d’État, non d’un groupe armé illégal.

Cependant, après le coup d’État du 25 octobre 2021 mené par al-Burhan contre le gouvernement civil de transition, ce dernier a perdu sa légitimité constitutionnelle. La charte sur laquelle reposait son autorité a été annulée par son propre acte. Le Soudan s’est retrouvé sans pouvoir reconnu. Plusieurs éléments confirment cette perte de légitimité :

La suspension du Soudan par l’Union africaine pour violation de la Charte africaine de la démocratie.

L’aveu de Mohamed Hamdan Dagalo (Hemetti), chef des FSR, dans une interview à BBC Arabic en août 2022, qualifiant les événements du 25 octobre de « coup d’État militaire ».

L’aveu d’al-Burhan lui-même dans une interview à Al-Hurra, reconnaissant avoir renversé un gouvernement civil.

Ainsi, toute décision prise par al-Burhan après cette date est dépourvue de fondement légal. Il ne peut désigner une force comme rebelle, n’étant plus une autorité légitime. Selon le Code pénal soudanais et la loi militaire de 2007 (articles 151 à 184, notamment l’article 162), un chef militaire qui renverse l’ordre constitutionnel peut être passible de la peine capitale.

En conclusion :

Les FSR tirent leur légitimité d’une loi et d’un décret constitutionnel antérieurs à la chute de l’ordre légal.

Al-Burhan, après le 25 octobre 2021, ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour qualifier une force de rebelle.

Les FSR restent une force régulière, tandis que leurs membres peuvent être tenus individuellement responsables de violations, selon les enquêtes et les décisions judiciaires.

Il est essentiel de rappeler que la reconnaissance juridique des FSR ne leur confère aucune immunité. La justice, nationale ou internationale, doit s’appliquer à tous. Le droit, et non la force, est le seul chemin vers la résolution du conflit et la reconstruction d’un État fondé sur la légalité.

Qualifier les FSR de milice ou de force rebelle est une interprétation politique sans base juridique. Elles sont une force étatique, créée par la loi, investie de missions de sécurité nationale. Cela ne les exempte pas de responsabilité : toute institution publique doit rendre des comptes.

Enfin, il convient de noter que le terme « milice » n’est pas intrinsèquement péjoratif. George Washington, fondateur des États-Unis, fut lui-même commandant d’une milice en Virginie entre 1753 et 1758, période durant laquelle il acquit une précieuse expérience militaire.

Comprendre cette réalité juridique est une étape essentielle pour mettre fin à la guerre et reconstruire un État de droit, loin des manipulations et des discours partisans.

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